La clause de résiliation pour convenance est une clause qui permet à une partie de mettre fin de plein droit à un contrat, sans avoir à justifier de sa décision auprès de l’autre partie. Elle vient, depuis quelques années, agrémenter les contrats d’affaires. La tendance est même aujourd’hui à systématiser sa présence dans les contrats. Cette présence systématique est une illustration de l’affaiblissement de la force obligatoire des contrats et plus généralement de l’autorité des lois (voir à ce sujet : la négociation des contrats en questions). Nous analyserons ce qui motive les parties à insérer cette clause et quels peuvent être, de part et d’autres, les arguments de la discussion pour tenter d’aboutir à une solution contractuelle la plus raisonnable possible.
Pourquoi cette clause dans les contrats d’affaires ?
Le contrat étant la loi des parties, sa durée déterminée constitue un engagement comme un autre. Considérant la force obligatoire de la loi des parties, cet engagement de durée est un engagement ferme.
Souvent présentée en négociation comme un remède à l’incertitude face à de possibles chamboulements économiques, la clause de résiliation pour convenance est une réponse (de notre point de vue inadaptée !), au fait que le droit français des contrats n’accepte pas la remise en cause du contrat pour changement de circonstances (la loi est censée rester intangible). L’intérêt de la résiliation pour convenance consiste, à se réserver le plein droit de « casser » unilatéralement, sans justification ni recours au juge, l’engagement de durée, auquel les parties ont souscrit.
Selon le droit commun, la cessation anticipée d’un rapport contractuel d’une durée déterminée ne peut intervenir que dans les cas limitatifs suivants :
- autorisation spécifique par la loi (baux, assurances, contrat de mandat) ;
- en cas de non-respect qualifiable en faute par une des parties de ses obligations contractuelles autorisant l’autre partie à résilier le contrat ;
- le consentement mutuel des parties.
En toute rigueur, dans cette dernière hypothèse, le consentement à la résiliation ne devrait pas intervenir lors de la conclusion du contrat car il est de nature à vider de toute substance, l’engagement et l’obligation de respecter l’échéance contractuelle. Ainsi, consentir à résilier le contrat avant l’échéance n’est-ce pas considérer que le terme contractuel n’est pas vraiment engageant ?
Toutefois, le Code civil autorise, dans les marchés à forfait, le maître d’ouvrage (c’est-à-dire le client) à résilier unilatéralement et à sa convenance le marché sans recours au juge. Il doit, cependant dans ce cas, indemniser l’entrepreneur de « toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise » (article 1794 du Code Civil). En un mot, sous réserve de verser un dédit, le client peut donc unilatéralement « casser » le contrat.
Si les parties peuvent aménager ces principes dans le contrat, il semble que cette faculté offerte uniquement au client réponde à ses besoins de maîtriser la bonne exécution de son marché :
- dans la mesure où le travail ou l’ouvrage commandé par le client sera exécuté selon les plans ou les directives de ce dernier, il est concevable qu’il ait unilatéralement le droit de tout arrêter car le travail ou l’ouvrage en cours de réalisation est sa « chose » et lui revient ;
- il doit pouvoir, sur sa « chose », demander des modifications, au besoin en négociant un nouveau prix ; dès lors, si l’entrepreneur n’y consent pas, le client doit être en mesure de pouvoir mettre fin au marché en dédommageant l’entrepreneur.
En pratique, la référence à cette disposition du Code civil est assez peu usitée. La raison est peut-être à chercher :
- dans le fait qu’elle soumet cette résiliation au principe d’un dédit peu maîtrisable…..
- dépenses engagées de main d’œuvre, matériaux, matériels, y compris le montant des frais d’amortissement de ces derniers,
- frais généraux supportés en relation avec le marché,
- profit que l’entrepreneur aurait réalisé du fait de l’exécution du contrat,
…. que le client ne se résout que difficilement à accorder lors de la conclusion du marché ;
- dans le fait qu’elle empêche la résiliation à tout moment, surtout lorsque le marché serait pratiquement achevé ;
- dans le fait qu’elle peut donner lieu à la reconnaissance d’un préjudice moral quand la résiliation constitue la manifestation publique d’un manque de confiance.
Pourtant, elle offre le confort tant recherché aujourd’hui dans les relations d’affaires : la possibilité de « sortir », sans présenter de motivations à l’autre partie.
Dès lors, si on ne peut s’opposer au principe de résiliation unilatérale pour convenance, comme on ne pourrait s’opposer à l’ère du temps, il convient de l’aménager et à tout le moins de l’assortir d’un dédit ou d’une indemnité… Plus que le prix d’une liberté, c’est la recherche d’un imparfait équilibre, un appel à la responsabilité qui devrait en la matière guider les parties…
Pratiques et argumentaires d’une négociation de clause de résiliation pour convenance
Nous étudierons la position et les arguments de la « partie [A] » qui, dans une négociation de gré à gré, souhaite agrémenter son contrat de la faculté d’en sortir à tout moment, puis successivement la position et les arguments de la « partie [B] », avec qui elle négocie.
1) Position et argumentaire de négociations de la partie [A]:
Son objectif est de sécuriser sa relation contractuelle pour un certain temps. Dès lors la durée déterminée s’impose. Son caractère ferme permet d’empêcher l’autre partie [B] de sortir du contrat.
Même si elle souhaite voir la partie B engagée sur toute la durée, [A], de son côté, a tout de même besoin de pouvoir « sortir du contrat » à tout moment. Elle refuse cependant d’avoir à discuter de ses motivations à [B] lorsqu’elle décidera de casser le contrat. De bonne foi, elle est prête néanmoins à consentir un préavis raisonnable durant lequel, elle consent à payer [B] de son travail.
[A] avance les arguments suivants à la partie [B] :
- son projet lui permet de demander une durée ferme déterminée ; cette demande est possible en raison du caractère partenarial de la relation ; [A] affiche ici une forte confiance dans son projet et dans sa relation dont la traduction juridique est la durée ferme ;
- la résiliation pour convenance est une condition sine qua non en raison du contexte difficile de crise en France, qui l’expose à des risques de réorganisations internes ou de remises en question des budgets : la possibilité de sortir pour convenance la rassure par rapport à ces incertitudes et elle ne veut pas avoir à se justifier de son application ;
- le court préavis qu’elle est prête à consentir pour éviter de prendre à défaut son cocontractant, sera rémunéré ; ce préavis aura un double mérite de :
- présenter un caractère indemnitaire
- donner le temps nécessaire pour terminer rapidement les derniers travaux en cours à la date de résiliation.
2) Position et argumentaire de négociations de la partie [B] :
La partie [B] est d’accord sur le principe de la durée déterminée. La fermeté de l’échéance lui permet de sécuriser son chiffre d’affaires mais surtout d’amortir ses premiers investissements.
Cependant [B] souhaiterait s’opposer à la résiliation pour convenance dans la mesure où du temps et de l’argent ont été et seront encore investis pour l’exécution de ce contrat. Cette possibilité précarise donc le contrat, alors que :
- le business plan du contrat est construit sur une durée précise de travaux et prestations ;
- [B] a consacré du temps et de l’argent pour l’avant-vente ;
- [B] est aussi engagée auprès de ses propres fournisseurs sur un terme ferme avec parfois de lourdes charges (embauches, matériels etc.).
Mais s’agissant d’une condition sine qua non posée par sa cliente, qui lui ferait perdre le marché en cas de refus, elle serait prête à en accepter le principe, sous réserve d’aménagements présentés avec les arguments suivants :
- La faculté de résiliation ne doit être ouverte qu’à partir de la deuxième année d’exécution et ne devrait être effective qu’après un préavis suffisant d’au moins trois mois ;
→ il s’agit de sécuriser une certaine période pour s’assurer un minimum de chiffre d’affaires (point de rupture économique)
- Une indemnité doit être prévue permettant de rembourser les investissements réalisés (matériels, serveurs) sur la base de leur valeur d’achat ; elle pourrait être calculée au prorata de la durée restant à courir
→ il s’agit de responsabiliser le client sur cette rupture, compenser les frais engagés et les gains manqués, surtout la perte de chiffre d’affaires et de marge que le prestataire aurait dû réaliser si le contrat avait été mené à son échéance.
- [B] ne souhaite pas renoncer à invoquer son préjudice en cas d’application de cette clause et veut se ménager la possibilité de réclamer son entier préjudice.
→ il s’agit à la fois de signifier que l’indemnité ne répare pas définitivement le préjudice subi du fait de la résiliation (non-libératoire) mais aussi de se protéger en se ménageant la possibilité de réclamer les préjudices ultérieurs (recours des sous-traitants etc..)
Clause sur laquelle [A] et [B] sont tombées d’accord :
« Il est expressément convenu que le Client ne pourra résilier pour convenance le Contrat qu’à l’issue d’un délai de six mois calculé à compter de la signature du Contrat. En application de la présente stipulation, la résiliation ne deviendra effective :
– qu’au terme d’un préavis fixé à [____] mois suivant l’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception, notifiant la résiliation ;
– moyennant le versement d’une indemnité qui est la cause au consentement du Prestataire à cette faculté de résiliation dont le montant sera calculé comme il suit : <A SAISIR>
– qu’au complet paiement par le Client de cette indemnité. »
3) Trucs, Astuces
Truc + : proposer au client une résiliation amiable, c’est-à-dire nécessitant un accord à la fois sur le principe d’une résiliation anticipée au moment où elle est demandée et permettant une discussion sur le montant des indemnités et leurs modalités de paiement.
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